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  • « Mariage pour toutes et tous », un mariage qui tousse encore...

    anneaux-mariage.jpgLe 17 mai 2013, le Parlement a adopté la loi ouvrant le mariage aux couples du même sexe. Un an après, l'heure est aux premiers bilans. Si on peut se réjouir que près de 7000 mariages civils entre personnes du même sexe aient pu être célébrés en France depuis la promulgation de la loi dite du « Mariage pour tous », l'heure n'est toujours pas à la noce pour de nombreux couples homosexuels qui aspiraient à s'unir sur la base juridique de cette loi progressiste tant attendue.

    Il s'avère que la circulaire du 29 mai 2013 présentant la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe précise que « la règle introduite par l’article 202-1 alinéa 2 ne peut toutefois s’appliquer pour les ressortissants de pays avec lesquels la France est liée par des conventions bilatérales qui prévoient que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est la loi personnelle. Dans ce cas, en raison de la hiérarchie des normes, les conventions ayant une valeur supérieure à la loi, elles devront être appliquées dans le cas d’un mariage impliquant un ou deux ressortissant(s) des pays avec lesquels ces conventions ont été conclues. En l’état du droit et de la jurisprudence, la loi personnelle ne pourra être écartée pour les ressortissants de ces pays.». Sont donc exclus du mariage homosexuel, les ressortissants de onze pays au regard de la loi personnelle de leur pays qui leur interdit de se marier avec une personne du même sexe (Algérie, Maroc, Tunisie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Pologne, Serbie, Slovénie, Cambodge et Laos).

    Un casse-tête juridique
    A ce jour, le gouvernement français ne privilégierait pas la renégociation des conventions bilatérales en question. Reste donc pour les prétendant-e-s au mariage homosexuel concerné-e-s à s'engager dans un chemin de croix juridique pour faire lever la discrimination dont ils/elles sont pour l'instant victimes. Depuis la promulgation de la loi pour le « mariage pour tous », seul un couple homosexuel franco-marocain résidant en Savoie, Dominique et Mohammed, s'est engagé dans ce combat juridique. L'association LGBT (lesbiennes, gays, bis, trans) ADHEOS qui soutien Dominique et Mohammed, rappellait récemment dans un communiqué de presse que « le Tribunal de Grande Instance puis la Cour d’appel de Chambéry ont clairement affirmé en octobre dernier que le nouvel article 43 du Code civil, qui a ouvert le mariage aux personnes de même sexe, avait modifié l’ordre public français en matière internationale justifiant ainsi, conformément aux demandes des requérants, que soit écartée la convention franco-marocaine au profit du principe de non-discrimination ». Dominique et Mohammed ont ainsi pu sceller leur union le 9 novembre 2013.

    Le 14 novembre 2013, s'appuyant sur la convention bilatérale du 10 août 1981 qui interdit le mariage d'un ressortissant marocain avec une personne de même sexe,le parquet de Chambéry a formé un pourvoi en cassation contre la décision de la cour d'appel de Chambéry d'autoriser le mariage du couple franco-marocain. Le parquet de Chambéry a motivé sa décision sur le fait « que les conventions internationales régulièrement ratifiées ont une autorité supérieure à la loi, conformément à l'article 55 de la Constitution». Pour le procureur de la république de Chambéry, « il apparaît utile que la Cour de cassation puisse se prononcer sur le conflit de normes juridiques applicables en l'espèce ».

    Bientôt un mariage vraiment pour toutes et tous ?
    Saisi par Dominique et Mohammed, le Défenseur des droits a d'ores a déjà pris position en confortant l'analyse de l'association ADHEOS sur le fait que le refus d'autoriser ledit mariage « contreviendrait notamment aux articles 8 – relatif au droit de chaque personne au respect à la vie privée et familiale, et 12 relatif au droit de se marier – de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme ».

    L'arbitrage de la Cour de cassation de Paris est désormais attendu pour apprécier le contenu de l'ordre public international français suite à la loi du 17 mai 2013, comme celle de la compatibilité des conventions bilatérales concernées au regard des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme. Il faut espérer que la Cour de cassation suive l'analyse partagée par l'association ADHEOS et le Défenseur des droits afin de confirmer enfin la légalité du mariage franco-marocain de Dominique et Mohammed, mais aussi et surtout afin de poser une jurisprudence positive qui lèverait l'interdiction discriminatoire qui est pour l'instant faite aux ressortissant-e-s des onze pays qui ne peuvent pas se marier avec un-e français-e du même sexe.

    Aller plus loin :

     - Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe 

     - Circulaire du 29 mai 2013 présentant la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe 

     - Courrier de la Garde des Sceaux Christine Taubira à l'attention du Défenseur des Droits - 24 mars 2014

     - Décision MLD-2014-072 du 9 avril 2014 du Défenseur des Droits communiquée à l'association LGBT ADHEOS.

    - Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales 

    - « Couples binationaux exclus du mariage pour tous, le Défenseur des Droits décide de présenter ses observations devant la Cour de cassation » - Communiqué de presse ADHEOS du 23 avril 2014

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