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  • Européennes 2019 : rupture d'égalité entre les électeurs dans l'unique circonscription France ?

    Communiqué de presse


    JC-Larsonneur.pngLes brestois Vincent Garcia et Christian Perrot ont rencontré le député finistérien Jean-Charles Larsonneur afin de l'inviter à interpeller le ministre de l'Intérieur pour savoir quelles mesures il compte prendre afin d'éviter une configuration de rupture d'égalité entre les électeurs de l'unique circonscription France lors du scrutin des Européennes en raison de l'utilisation par les électeurs de deux modalités de vote différentes sans possibilité de choix. Une circonscription unique est en effet prévue en France lors du scrutin des élections Européennes qui va se dérouler le dimanche 26 mai 2019. Pour ce scrutin deux systèmes de vote différents seraient pour l'instant autorisés : des machines à voter dans certaines communes, des bulletins papier et urnes transparentes dans les autres communes.

    Les deux brestois aimeraient savoir si Christophe Castaner envisage avant cette échéance électorale de mettre en application l'interdiction en France de l'utilisation des machines à voter évoquée par son prédécesseur dans la feuille de route du Ministère de l'Intérieur publiée en septembre 2017.

    Machines à voter et rupture d'égalité entre électeurs, une alerte récurrente
    1292127489.jpgDébut 2017, dans le cadre d'une question écrite, le sénateur Philippe Kaltenbach (PS) avait interpellé le Gouvernement socialiste en lui signalant qu'en plus du risque lié à l'absence d'infaillibilité de l'utilisation des ordinateurs de vote opaques et invérifiables, un autre risque devait être considéré. Il s'agit de celui d'une rupture d'égalité qui intervient lorsque les électeurs d'une même circonscription électorale sont confrontés à des règles différentes à travers l'utilisation de deux systèmes de vote différents. Cette rupture d'égalité entre électeurs pouvant être matière à des recours et entraîner l'annulation des scrutins concernés par cette situation particulière d'inconstitutionnalité. 

    Cette notion de rupture d'égalité entre électeurs d'une même circonscription électorale a été abordée en séance publique à l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014 lors de la discussion sur la proposition de loi organique présentée par le député Thierry Mariani. Proposition de loi visant à instaurer le vote par voie électronique (vote par internet) des Français de l'étranger à l'élection présidentielle et à l'élection des représentants au Parlement européen. Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger avait alors précisé que le Conseil constitutionnel pourrait considérer que ces dispositions soient inconstitutionnelles en raison de la rupture d'égalité qu'elles introduiraient entre les électeurs d'une même circonscription électorale. Cette proposition de loi a été rejetée par les députés.

    Cette configuration de deux systèmes de vote sur la même aire électorale sans possibilité de choix pour l'électeur a pu déjà être observée lors de l'élection présidentielle de 2017 (une circonscription unique) et lors des législatives de 2017 (65 circonscriptions législatives concernées) ainsi que dans 12 régions métropolitaines lors des Régionales de 2015.

    Un flou juridique qui perdure et un rite républicain affaibli
    Le vote au moyen de machines à voter à été introduit dans le Code électoral via la loi n° 69-419 du 10 mai 1969 y créant l'article L. 57-1. Article de loi qui en 50 ans a fait l'objet de plusieurs modifications. D'abord électromécaniques, les machines à voter sont désormais électroniques. En raison de la technologie relative à leur fonctionnement ces matériels sont de nos jours communément appelés ordinateurs de vote. La technologie utilisée aujourd'hui s'avère totalement différente de celle des machines à voter utilisées dans les années 70. Etonnamment le Conseil constitutionnel n'a jamais été saisi de la conformité à la Constitution de l'article L.57-1 du Code électoral.

    L'utilisation d'ordinateurs de vote a amené le doute dans le processus électoral. Des opérateurs privés s'immiscent dorénavant dans le déroulement des scrutins (fourniture des machines à voter, algorithmes de traitement et d'exécution du dépouillement...), dépossédant les électeurs, les assesseurs et les délégués des partis politiques de leur droit de compréhension et de contrôle de toutes les étapes des scrutins électoraux. Au vu de la dématérialisation des bulletins de vote un recomptage des voix est désormais impossible en cas de contestation. Sauf aberration manifeste, il s'avère aussi impossible d’affirmer et de prouver qu’aucune erreur n’a entaché le déroulement d'un scrutin électronique. Quid des personnes qui ont été amenées à renoncer à l'acte citoyen du vote républicain faute de la maîtrise de ces matériels informatiques ?

    Suite à de nombreux incidents lors de la présidentielle et des législatives de 2007, l'Etat a décidé d'appliquer un moratoire empêchant de nouvelles communes de faire l'acquisition de ces matériels de vote opaques et invérifiables. Les machines à voter sont encore utilisées en France dans une soixantaine de villes. C'est 1,39 million électeurs dans le pays qui sont toujours contraints d'utiliser ce système de vote ne répondant pas aux exigences de transparence et de contrôle citoyen des scrutins électoraux.

    Vincent Garcia est membre du Conseil consultatif de quartier de Brest-centre. Il est engagé dans le Collectif brestois pour une liste citoyenne aux élections municipales de 2020.

    Christian Perrot a été membre de 2010 à 2015 du mouvement politique Les Alternatifs. Il se mobilise depuis 15 ans pour le retour à Brest des urnes transparentes et du contrôle citoyen des élections.

    Aller plus loin :

    - Courrier du député Jean Charles Larsonneur adressé au ministre de l'Intérieur Christophe Castaner - 12 avril 2019

    - Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République - Examen de la proposition de loi organique de M. Thierry Mariani visant à instaurer le vote par voie électronique des Français de l'étranger à l'élection présidentielle et à l'élection des représentants au Parlement européen (n° 1291) - 1er octobre 2014.

    - Amendement de suppression de l'article 1 du projet loi du député Mariani présenté par M. Popelin, M. Le Roux, M. Raimbourg, M. Arnaud Leroy et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen. Amendement adopté.

    Déclaration de M. Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger, sur une proposition de loi organique relative au vote par voie électronique des Français résidant à l'étranger, à l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

    - Victoire contre le vote par internet à l'Assemblée nationale par Guillaume Champeau - Numérama - 03 octobre 2014

    Et aussi…

    - Elections 2017 : bug constitutionnel en vue ! - par Christian Perrot - 14 janvier 2017

    - Vote électronique et rupture d'égalité : le gouvernement interpellé - par Christian Perrot - 30/07/2015

    - Vote électronique : la rupture d'égalité entre électeurs s'invite au débat - par Christian Perrot - octobre 2014

     Machines à voter, vote électronique : vers des recours pour perte de confiance et rupture d’égalité ? - par Gilles J. Guglielmi - 20 avril 2007