Appel à pétition :
Le nouveau gouvernement a choisi la continuité avec l’ancien : la politique d’expulsion des camps de « Roms » étrangers continue de plus belle. Aux mêmes motifs. Avec à peu près les mêmes mots, les mêmes images. Avec les mêmes présupposés et les mêmes conséquences. À commencer par l’ethnicisation de familles issues de lieux et d’histoires multiples, qui ne se reconnaissent pas nécessairement de destin commun, sauf celui auquel on les assigne : le cercle vicieux de la misère et de l’exclusion.
Cela, nous ne voulons, nous ne pouvons pas l’accepter. Il y a deux ans, il importait déjà de se dresser en opposition à la politique de stigmatisation et de persécution menée sous la houlette de Nicolas Sarkozy, dans l’esprit du discours de Grenoble, contre les Roms et les gens du voyage. C’est avec la même détermination que nous nous élevons aujourd’hui contre la politique menée aux dépens des Roms sous la responsabilité du président de la République et de son premier ministre par leur ministre de l’Intérieur.
 Manuel Valls renoue en effet avec une rhétorique qui avait mené un de ses prédécesseurs à la présidence de la République, et la République au bord de l’abîme. Or combien sont-ils, ceux qu’on veut expulser? 12 000 ? 15 000 tout au plus ? Sont-ils à ce point une menace pour l’ordre public qu’il faille impitoyablement les déloger sans solution de rechange ?
Manuel Valls renoue en effet avec une rhétorique qui avait mené un de ses prédécesseurs à la présidence de la République, et la République au bord de l’abîme. Or combien sont-ils, ceux qu’on veut expulser? 12 000 ? 15 000 tout au plus ? Sont-ils à ce point une menace pour l’ordre public qu’il faille impitoyablement les déloger sans solution de rechange ? 
Si les nouveaux responsables invoquent autant la sécurité que les anciens, ils revendiquent (à l’instar de François Hollande pendant la campagne) un juste milieu entre « fermeté » et « humanité ». Mais qui peut croire que c’est pour leur bien qu’on détruit le lieu de vie de ces migrants ? En tout cas, pas les premiers intéressés. Car ils l’ont vite compris : si l’on se souciait tant de leur bien être, on ne les abandonnerait pas ensuite à leur sort, en oubliant de les reloger. Ils ne font qu’aller un peu plus loin. S’ils parviennent à se cacher, c’est au risque d’être encore plus abandonnés à eux-mêmes et privés des droits sociaux les plus élémentaires. Déplacer ainsi les gens, c’est bien sûr redoubler leur précarité, et faire obstacle à la scolarisation de leurs enfants.
 Certes, Jean-Marc Ayrault préconise la concertation. Mais sur le terrain (faut-il s’en étonner ?), ces engagements ne sont pas respectés. Des centaines de familles se retrouvent dans des situations inextricables. À Lyon comme à Lille ou à Marseille ou en région parisienne, le travail des associations de bénévoles a été ruiné en quelques heures. En Essonne, plusieurs expulsions de bidonvilles ont eu lieu sur arrêtés municipaux, sans solution de relogement réel. Dans de nombreux départements, trop de communes tentent de ne pas scolariser les enfants Roms.
Certes, Jean-Marc Ayrault préconise la concertation. Mais sur le terrain (faut-il s’en étonner ?), ces engagements ne sont pas respectés. Des centaines de familles se retrouvent dans des situations inextricables. À Lyon comme à Lille ou à Marseille ou en région parisienne, le travail des associations de bénévoles a été ruiné en quelques heures. En Essonne, plusieurs expulsions de bidonvilles ont eu lieu sur arrêtés municipaux, sans solution de relogement réel. Dans de nombreux départements, trop de communes tentent de ne pas scolariser les enfants Roms.
La majorité gouvernementale croit-elle donc qu’en agitant les peurs sécuritaires, elle échappera au reproche de « laxisme » ? C’est tout le contraire : dans ce domaine, elle n’ira jamais assez loin. La droite, en attendant peut-être l’extrême-droite, fera toujours mieux, c’est-à-dire pire. La gauche gouvernementale le paiera donc cher, y compris dans les urnes. En tout cas, les sondages suggèrent déjà qu’elle n’y gagne rien – pas plus qu’hier la droite au pouvoir. Seul le Front national pourra récolter les fruits de cette politique.
En outre, les concessions au populisme identitaire et sécuritaire ne feront pas avancer le pays dans sa mobilisation citoyenne face à la dictature des marchés et aux destructions d’emploi, bien au contraire. S’en prendre aux Roms ne suffira donc nullement à gagner les suffrages populaires. Cela ne peut que diviser, affaiblir là où il faut rassembler, agir. Singer la droite ? C’est décidément un mauvais calcul.
Il ne suffira pas davantage de renvoyer cette réalité migratoire à son origine – en l’occurrence la Roumanie, ainsi que la Bulgarie. Comme dans de nombreux pays de l’Europe de l’Est, la violence ordinaire vis-à-vis des « Tsiganes » se poursuit et risque de s’intensifier à mesure que la situation économique se dégrade. En même temps, la légitimation par l’État français de leur caractère indésirable ne peut que renforcer ce racisme.
Surtout, plutôt que de faire peser cette migration sur les gouvernements nationaux d’origine, comme l’a fait le ministre de l’Intérieur, il faut faire valoir une responsabilité de l’Union au lieu de mettre en péril l’idéal européen en la réduisant aux politiques néolibérales sans même la caution des droits de l’homme. Bref, il faut que Viviane Reding, commissaire européenne aux Droits fondamentaux, parle haut et fort comme en 2010, et non qu’elle soit réduite au silence face à l’État français.
Nous ne ressentons pas moins d’indignation qu’alors ; en revanche, notre colère est plus grande. Pourquoi changer de Président, sinon pour changer de politique ? Or plus ça change, plus c’est la même chose : les Roms sont encore et toujours pris pour boucs émissaires. Au lieu de jouer à son tour sur les peurs et les ressentiments, ce gouvernement aurait pu faire le pari des valeurs démocratiques : la liberté et l’égalité, pour les Roms aussi. Nous en sommes loin. Après l’éviction de la droite éhontée, on assiste à l’avènement d’une gauche honteuse.
Aujourd’hui, nous voulons donc interpeller la majorité gouvernementale :
Rien ne vous oblige à ce choix. Il est contraire aux principes que vous revendiquez ; pour autant, il n’est pas davantage dans vos intérêts. Votre responsabilité n’en est que plus grande. Nous vous tenons donc comptables aujourd’hui, comme l’histoire vous tiendra comptables demain, de cette banalisation de la xénophobie et du racisme par l’État français, au mépris des leçons du passé et des menaces qui pèsent sur l’avenir.
- Signer la pétition
Les premiers signataires
Karim Abboub, psychanalyste
 Benjamin Abtan, Président du Mouvement Antiraciste Européen EGAM
 Michel Agier, directeur d'études EHESS
 Eric Alliez, Philosophe, Université Paris 8 / Kingston University
 Jean-Loup Amselle, anthropologue
 Etienne Balibar, philosophe
 Fethi Benslama, Professeur de Psychopathologie
 Anne Emmanuelle Berger, professeure de littérature et d'études de genre, Paris 8
 Jacques Bidet, professeur émérite à l'Université de PARIS OUEST
 Bertrand Binoche, professeur à Paris-I
 Luc Boltanski, directeur d'études à l'EHESS
 Matthieu Bonduelle, président du Syndicat de la magistrature
 Frank Burbage, Professeur de philosophie 
 Alain Brossat, Professeur de philosophie (émérite), Université Paris 8
 Cécile Canut, linguiste, Paris Descartes
 Alice Cherki, psychiatre, psychanalyste, essayiste
 Ariane Chottin, psychologue
 Nathalie Chouchan, Professeur de philosophie
 Hélène Cixous, Ecrivain 
 Olivier Clochard, président de Migreurop
 Michèle Cohen-Halimi, maître de conférences en philosophie à l'Université de Paris Ouest Nanterre
 Patrice Cohen-Séat, Président d'Espaces-Marx
 Catherine Coquio, professeure de littérature à Paris-Diderot (Paris 7)
 Philippe Corcuff, maître de conférences à l'IEP de Lyon et membre du conseil scientifique d'Attac
 Claude Corman, cardiologue
 Marie Cuillerai, département de philosophie de Paris 8
 Jean-Pierre Dacheux, docteur en philosophie
 Françoise Dastur, Professeur honoraire des universités, Archives Husserl de Paris
 Marianne Denicourt, comédienne
 Ivaylo Ditchev, Professor of cultural anthropology
 Suzanne Doppelt, auteur
 Stéphane Douailler, Professeur de philosophie, Université Paris 8
 Espaces Marx
 Eric Fassin, sociologue, Paris 8
 Michel Feher, philosophe, président de l'association cette France-là
 Goran Fejic, analyste politique, ancien fonctionnaire international
 Franck Fischbach, Philosophe, Univ. Nice Sophia-Antipolis
 Geneviève Fraisse, philosophe, directrice de recherches CNRS
 Frédéric François, linguiste
 Marie Gaille, philosophe, chargée de recherche au CNRS
 Patrick Gonin, Enseignant chercheur Université de Poitiers
 Elisabeth Gauthier
 François Gèze, éditeur
 Lisa Ginzburg, journaliste
 Alfredo Gomez-Muller, Professeur Université de Tours
 Robert Guédiguian, cinéaste
 Serge Guichard, Association de Solidarité en Essonne aux Familles Roms
 Hugo Haas, architecte, La Cigüe
 Jean-Frédéric de Hasque, réalisateur – anthropologue
 Chantal Jaquet, Philosophe, professeur à l'université Paris1-Panthéon-Sorbonne
 Alain Joxe, ancien directeur d'études à l'EHESS, directeur du CIRPES
 Alain Keler, Photographe
 Françoise Kerleroux, linguiste, professeur à la retraite, Paris 10 Nanterre
 Cécile Kovacshazy, maître de conférences en littérature comparée
 Denis Lachaud, écrivain
 Thomas Lacoste, cinéaste et éditeur, La Bande Passante
 Catherine Larrère, Université Paris 1
 Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire
 Jean-Pierre Lefebvre, Ecole Normale Supérieure
 Olivier Legros, MCF Université de Tours et membre Urba-Rom
 Catherine Lévy, sociologue
 Jean-Marc Lévy-Leblond, Professeur émérite de l'université de Nice
 Jean-Pierre Liégeois, sociologue
 Daniėle Lochak, universitaire, présidente honoraire du Gisti
 Isabelle Lorand, chirurgienne, responsable Droits et liberté PCF
 Michael Löwy, directeur de recherches émérite au CNRS, Paris
 Seloua Luste Boulbina, Directrice de programme, Collège International de Philosophie
 Charles Malamoud, Indianiste, directeur d'études honoraire, Ecole pratique des hautes Études
 Philippe Mangeot, enseignant
 Nicolas Martin-Granel, chercheur associé à l'ITEM (CNRS/ENS)
 Stéphane Maugendre, président du Gisti
 Jacques Message, Chaire supérieure de philosophie (Amiens)
 Renée Le Mignot co-présidente du MRAP
 Christophe Mileschi, écrivain, italianiste
 Ariane Mnouchkine, metteuse en scène
 Richard Moyon, Réseau Education sans frontières, RESF
 Laurent Mucchielli, sociologue
 Jean-Luc Nancy, philosophe
 Pap Ndiaye, historien EHESS
 Catherine Neveu, Directrice de recherche au CNRS
 Gérard Noiriel, EHESS, Paris
 Bertrand Ogilvie, professeur de philosophie, psychanalyste, université Paris 8-Saint Denis
 Salvatore Palidda, DISFOR-UNIGE, Universita' degli Studi di Genova
 Claude Pennetier, Directeur du Maitron, chercheur CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle
 Germinal Pinalie, Revue Classes
 Mathieu Potte-Bonneville, Collège International de Philosophie / ENS de Lyon
 Jean-Luc Poueyto, anthropologue, Université de Pau et des Pays de l'Adour
 Vincent Rafis
 Isabelle Rèbre, cinéaste
 Marie-Joëlle Redor, Enseignant chercheur à l'Université de Caen Basse-Normandie
 Judith Revel, philosophe, maître de conférences, univ. paris 1 panthéon-sorbonne
 Revue Vacarme
 Claire Rodier, vice-présidente de Migreurop
 Diogo Sardinha, Directeur de programme au Collège international de philosophie
 Pierre Sauvêtre, Doctorant en science politique, chargé de cours à Sciences-Po Paris
 Guillaume Sibertin-Blanc, Philosophe
 James T. Siegel, anthropologue émérite, Cornell University
 Andrée Tabouret-Keller, linguiste
 Sébastien Thiéry, politologue
 Louis-Georges Tin, président du CRAN
 Michel Tort, psychanalyste
 Transform!
 Eleni Varikas, Professeur émérite, Université Paris 8
 Patrick Vauday, Professeur à l'Université Paris 8
 Patrice Vermeren, Directeur du département de philosophie, Paris 8
 Sophie Wahnich, historienne, directrice de recherche au CNRS